vendredi 18 janvier 2013


 
          Officiel : la « launch party » qui devait marquer l’inauguration du site est reportée à une date ultérieure. Ni champagne, ni petits fours, ni même cacahuètes. Crise oblige, me direz-vous, mais pas seulement. Les Rolling Stones m’ont pris de court. Il était hors de question d’ouvrir ce site sans leur parrainage. On savait bien qu’ils allaient fêter leurs 50 ans de carrière mais, à force de déclarations et démentis, on n’y croyait plus trop. En tout cas, on ne s’y attendait pas si tôt. Alors découvrez ce premier article au beau milieu d’un vaste chantier toujours en cours et, si vous ne craignez pas d’être éclaboussé par les projections de plâtre et de ciment, aventurez-vous ici et là, vous y trouverez également d’autres écrits, publiés en d’autres lieux, en d’autres temps.

De Carnaby au Marquee


          Avec l’idée de me préparer mentalement à ce qui serait, peut-être, mon dernier concert des Stones, je décidai, la veille au soir, de me rendre à Carnaby Street. J’avais lu un peu partout que les décorations de Noël, toujours très attendues, de cette célèbre rue de Soho saluaient comme il se doit le 50ème anniversaire du groupe. Je n’allais pas être déçu. Tout Carnaby s’est habillé aux couleurs des Stones et ce jusqu’au 6 janvier. Les traditionnelles boules de Noël ont été remplacées par d’énormes sphères en 3 dimensions contenant les vinyls d’or et d’argent qui ont jalonné la brillante carrière du « plus grand groupe de rock’n’roll au monde ».

 La fameuse arche à l’entrée de la rue arbore le logo des Stones encadré par l’humble mais fière devise : « It’s only rock’n’roll ». Une boutique éphémère (très tendance, les « pop up shops » !) a même été ouverte au numéro 10 et propose aux fans que nous sommes tout le merchandising auquel il est permis de rêver : porte-clés, pins, mugs, posters, T-shirts, coffrets édition spéciale, lithographies signées. Et dire que, non loin d’ici, à moins d’un quart d’heure de marche, 50 ans plus tôt, naissaient les Rolling Stones… En effet, le jeudi 12 juillet 1962, ils donnaient leur premier concert au Marquee alors situé au 165 Oxford Street. Signe des temps : les lieux sont actuellement occupés par la banque Abbey, filiale de la banque espagnole Santander. Comme dirait Dylan : « The times they are a- changin’ ». Bon, et si on reparlait musique un peu ? Ce soir-là, les Rollin’ Stones (Notez l’apostrophe !) jouent dans le sous-sol de la petite salle de jazz devant une centaine de personnes. Juste une demi-heure, le temps d’interpréter quelques grands standards du blues : Dust My Broom de Robert Johnson, Bright Lights Big City et  Down The Road Apiece de Jimmy Reed, Ride ’Em On Down d’Eddie Taylor ainsi qu’un titre plus rock’n’roll : Back In The USA de Chuck Berry. La réaction du public est plutôt mitigée : du blues, passe encore mais du rock, faut pas exagérer ! Les Stones jouent en première partie de Long John Baldry et ses Kansas City Blue Boys. C’est lui que les membres du club sont venus voir à défaut d’Alexis Korner qui s’est désisté, suite à l’invitation qui lui a été faite de se produire en direct avec son groupe, le Blues Incorporated, le soir même à la BBC. Ils ont payé l’entrée 4 livres. Quand je pense à la somme que j’ai dû débourser pour accéder au concert du lendemain à l’O2 Arena… Mais quand on aime, on ne compte pas. A l’époque, les Stones sont composés de 6 membres : Brian Jones, Mick Jagger, Keith Richards, Ian Stewart au piano ainsi que Dick Taylor (futur Pretty Things) à la basse et Mick Avory (futur Kinks) à la batterie. Bill Wyman et Charlie Watts manquent encore à l’appel mais l’armée est sur le pied de guerre. « Everywhere the Carnabetian army marches on » (Dedicated Follower Of Fashion, The Kinks).

A l’O2 t’as tout si t’as des sous


          Dimanche 25 novembre : ça y est, le jour fatidique tant espéré est enfin arrivé. Tous les fans vous le diront, il n’est pires heures que celles qui précèdent un concert des Stones. Tant qu’on n’est pas installé devant la scène, et encore, rien n’est complètement gagné. Et si la fin du monde survenait un peu plus tôt que prévu ? Et si Keith retombait de son cocotier ? A 15h30, je n’en peux plus d’attendre ! Oxford Circus, je m’engouffre dans la bouche de métro, Victoria Line direction Green Park, Jubilee Line jusqu’à North Greenwich. Tout le monde descend ! En fait, il n’y a personne ou presque. Faut dire que l’O2 Arena se situe à deux pas de la station et qu’il est à peine 16h.

 Le dôme gigantesque se dresse bientôt devant moi. Imaginez une soucoupe volante recouverte d’une toile en fibre de verre de 100 000 m2, clouée au sol par un réseau de câbles suspendus partant de 12 mâts en acier de 100 m de haut et pouvant contenir jusqu’à 23 000 martiens ! Surveillée par d’immenses miradors, elle ne décollera pas de sitôt. Les Stones ont pris possession des lieux et tiennent à le faire savoir. The Rolling Stones : 50 & Counting (50 ans bien comptés et toujours présents ! et non pas, comme certains l’écrivent, prenant sans doute leurs désirs pour des réalités : 50 ans et ce n’est pas fini !).

                                        Peu importe, l’inscription s’étale en grosses lettres rouges :

Je suis proche du but. Ouf ! Me voici maintenant dans le hall d’entrée, devant le stand de merchandising. A la collection, déjà fort riche, de mon futur musée Rolling Stones viennent s’ajouter quelques pièces. A vrai dire, tous  les produits officiels de la tournée 2012 à l’effigie du gorille : le programme, le pass, les badges, le T-shirt, la mug, le pack de médiators. Une tournée événementielle, limitée à 5 dates : les 25 et 29 novembre à l’O2 Arena, le 8 décembre au Barclays Center de Brooklyn et les 13 et 15 décembre au Newark Prudential Center, si l’on excepte les deux tours de chauffe parisiens au Trabendo et à Mogador. Or, c’est bien connu, tout ce qui est rare est cher. Grrr !

                                                                                                               (A suivre)


lundi 19 novembre 2012
L I T T L E B O B Le rock s’écrit aussi. Il est très à la page. Les autobiographies déboulent en librairie comme des rafales de riffs. Vous n’avez pas pu passer à côté de celle de Keith Richards (Life) ou celle de Patti Smith (Just Kids) mais le livre de Little Bob, La Story, vous a peut-être échappé. Leçon de rattrapage ! Un mètre soixante, mais le talent ne se mesure pas en centimètres Quel livre ! 250 pages retraçant la vie et la carrière de la figure légendaire du rock français. Little Bob a traversé les époques, les modes, survécu aux excès en tout genre et, à 65 ans, il nous livre ses mémoires. Co-écrits avec Christian Eudeline, frère cadet de Patrick. Patrick Eudeline, que vous connaissez forcément : ex-chanteur d’Asphalt Jungle (un des premiers groupes punk français, fondé en 1977) et surtout connu pour son statut d’icône de la critique rock, de Best jusqu’à Rock & Folk en passant par Actuel et Libération. Préfacés par Jean-Bernard Pouy, auteur de romans noirs, créateur du personnage Gabriel Lecouvreur (dit Le Poulpe), fana de rock et ne ratant jamais par là l’occasion de citer Little Bob dans chacun de ses bouquins, aimant le comparer à Marguerite Duras en blouson de cuir et lunettes noires ! Pouy se montre véritablement dithyrambique à propos de Little Bob. Selon lui, c’est une sorte d’oxymore vivant. « Little » Bob est GRAND. Rien à lui reprocher. C’est un pur : fidèle à ses potes, à son histoire, à sa famille, à une ligne de conduite. C’est un rebelle : après un concert de Bob, on rentre toujours à la maison en brûlant les feux rouges. Les interdits, très peu pour lui ! Au jeu des ressemblances, vous avez remarqué le point commun entre la photo de couverture de Life et celle de La Story ? La cigarette allumée fièrement arborée ! Working Class Hero Little Bob se souvient de son enfance à Alessandria, ville italienne située dans la région du Piémont, dans la plaine du Pô, doublement célèbre pour la bataille de Marengo et le Borsalino. Ecole buissonnière et parties de football sur la place du monument aux morts où les « gatte » le poursuivaient, lui et ses camarades, pour leur confisquer le ballon. Rébellion et insoumission face aux profs et aux flics. Il avait de qui tenir, bon sang ne saurait mentir ! Son grand-père paternel, Vincenzo, était anarchiste dans l’âme. Il tenait une papeterie mais, comme il passait son temps sur la route et n’était jamais chez lui, il avait confié à son fils le soin de gérer le magasin. Libero, puisque c’est de lui qu’il s’agit (Bob lui dédiera son onzième album sorti en 2002) n’avait rien d’un commerçant. Il était jeune…et préférait peindre ses tableaux. Lorsqu’il hérita de l’affaire, la faillite fut vite au rendez-vous. A l’époque, la France avait besoin de main d’œuvre bon marché et il accepta un poste d’ouvrier métallurgiste aux Tréfileries et Laminoirs du Havre. En attendant que sa femme le rejoigne, il lui envoyait, à chaque fin de mois, une grosse partie de son salaire. En mars 1958, Bob, qui va bientôt avoir 13 ans, débarque gare de Lyon, avec sa mère, son frère Andrea et sa sœur Maura. Libero les récupère et cap sur le Havre via la gare Saint-Lazare. Il leur a trouvé un petit appartement de deux pièces sous les toits, à Saineville-sur-Seine, à 25 kilomètres du Havre. Bob découvre la campagne pour la première fois. Au début, il est très malheureux. Il prend le bus tous les jours pour suivre les cours chez Pigier. Sa seule distraction est de dresser le berger allemand des propriétaires à attaquer les poules ! Et puis, dans ce pays, il pleut tout le temps, le ciel est gris, il fait froid, mais c’est là que son père a décidé de gagner son pain et refaire sa vie. Il travaille dans un atelier d’étirage, il transforme les barres de cuivre en fils électriques « avec ses mains d’or ». Bob est fier de son père et dès qu’il pourra, lui aussi, travailler à l’usine, il le fera. Ca lui paraît normal : les temps sont durs et la famille a besoin de son salaire. En 1961, il quitte donc l’école Pigier et entre dans la vie active. Il est embauché dans la même boîte que son père mais comme coursier. Il monte rapidement en grade et se retrouve dans un bureau. C’est là qu’il écrit ses premiers textes de chansons grâce à la complicité de son chef de service qui fait mine de ne s’apercevoir de rien. Qu’il me soit ici permis de remercier, au nom de tous les fans de Little Bob, Monsieur Toullec ! Comme quoi tous les chefs de service et autres supérieurs hiérarchiques ne méritent pas tous de finir pendus au bout d’une corde ! En Mai 68, Bob participe aux grandes grèves sur le port du Havre. Il lève le poing avec ses camarades devant les grilles fermées de l’usine où il travaille depuis qu’il a 16 ans. Ce n’est qu’en 1974, juste après le concert qu’il donne à l’UCJG (Union Chrétienne de Jeunes Gens !) du Havre, le 16 mars, qu’il décide d’abandonner le travail en usine et de devenir musicien à plein temps. Le groupe Little Bob Story en est déjà à sa seconde mouture : Dominique « Barbe Noire » Lelan à la basse, Serge Hendrix à la guitare, Dominique Quertier dit Mino à la batterie. Le mystère des guitares volées à Nellcôte enfin résolu Grâce à Little Bob on a retrouvé une des neuf guitares appartenant à Keith Richards (voir Heart Of Stone #1 : Exile On Main Street). Quand Serge Hendrix -il préfère le hard rock-quitte LBS, c’est Guy-Georges Gremy qui le remplace. Eurasien d’origine, il vient de Nice et habite au Havre depuis un mois. A force de faire des gammes trois heures par jour chez lui, il est devenu excellent guitariste. Il joue sur une super guitare, une Gibson Flying V couleur bois. Bob lui demande où il l’a achetée et Guy-Georges lâche le morceau. Alors qu’ils habitaient la villa Nellcôte à Villefranche-sur-Mer et y enregistraient l’album Exile On Main Street, les Stones s’étaient fait cambrioler. Les guitares de Keith Richards, notamment, avaient disparu. Celle que Guy-Georges tenait entre ses mains faisait partie du lot. Il l’avait achetée à un revendeur de Nice pour 1000 balles. Bob savait que sa nouvelle recrue avait fait un petit tour derrière les barreaux à cause de chèques volés et qu’il avait déménagé en Normandie précisément pour ne plus fréquenter les petits voyous du Midi mais il n’en revenait pas qu’il puisse jouer sur la guitare de Keith Richards. L’originale, pas une imitation. Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Lors de la balance qui précède un concert donné en commun avec les Heavy Metal Kids, le guitariste du groupe, Mickey Waller, se précipite sur Guy-Georges. « T’as la même guitare / Que Keith Richards / T’arrêtes ta frime / J’parie qu’c’est une vraie Flying V / Elle est carrément pas craignos ». Il lui propose de la lui vendre ou de l’échanger contre sa Les Paul Custom noire avec ses trois micros dorés. Bob conseille à Guy-Georges d’accepter l’échange : cette fameuse Les Paul est une très bonne guitare même si elle ne vaut pas la Flying V…et surtout elle est moins facilement repérable. D’ailleurs, Mickey Waller leur précise : « Je vous file cette guitare en attendant, la prochaine fois qu’on se verra, j’en aurai une autre, encore mieux, à vous proposer ». Six mois plus tard, ils le croisent à nouveau, avec une imitation japonaise dans les mains. En les voyant arriver, il pousse le volume de son ampli Marshall à fond et se met à jouer Smoke On The Water. « On fait l’échange comme on avait dit ? – Non merci, tu la gardes ta merde ». Tel est pris qui croyait prendre. Mickey Waller échangera finalement la Gibson Flying V contre trois Les Paul avec le guitariste d’Uriah Heep, Mick Box. Hey Keith, si tu veux récupérer ta guitare, tu sais à qui t’adresser ! Tout, tout, tout, vous saurez tout sur La Story Bon, je ne vais quand même pas vous raconter tout le bouquin, le but du jeu étant de vous le faire acheter. Des anecdotes comme celle-ci, vous en trouverez à la pelle. Si vous vous étiez jamais demandé ce qu’est une vie de rocker, Little Bob vous apporte la réponse. Une vie de rocker, c’est…la sienne ! Des concerts mythiques. Son premier passage au Marquee, le 2 avril 1976. J’y étais. A cette époque-là, j’étais tout le temps fourré à Londres et c’était pendant les vacances scolaires. A la joie indicible de me trouver là face à Bob en ce lieu magique s’ajoutait le plaisir non moins grand de me livrer au sport favori des habitués du Marquee : quitter témérairement les premiers rangs, s’aventurer sans GPS vers le fond de la salle, y conquérir le Graal tant convoité : deux pintes remplies à ras bord et, ultime exploit, revenir à son point de départ en zigzaguant sur le parquet devenu glissant pour, enfin victorieux, déposer en offrande à sa dulcinée ce qui restait du très précieux liquide. Autres concerts historiques, ceux que donne Little Bob Story dans le cadre du festival punk de Mont-de-Marsan organisé par Marc Zermati (Fondateur de la boutique l’Open Market à Paris, ce dernier sortira sur son label Skydog des disques de Tyla Gang, des Flaming Groovies, des Stooges). En dehors de Bijou, LBS est le seul groupe français, même s’il chante en anglais, à avoir participé aux deux éditions de Mont-de-Marsan en 1976 et 1977. Il peut se targuer d’y avoir côtoyé Clash et Police. Qui dit concert de rock fin des années 70 dit forcément alcool et drogue. On sait maintenant que les parties de guitare figurant sur le premier album live, enregistré à Londres au Music Machine (une super salle devenue le Camden Palace en 82 et qui, depuis 2004, s’appelle Koko) et au Greyhound les 23, 24 et 25 juin 1979 durent être réenregistrées en studio quelques semaines plus tard. Guy-Georges était complètement défoncé. Souvent le concert tourne à l’émeute comme à Toulouse, le 11 mai 1977. C’est aujourd’hui difficile à imaginer mais il était de bon ton parmi certains qui se proclamaient anarchistes de vouloir entrer dans la salle sans payer. C’est ce qui se produisit à la Halle aux Grains mais les policiers, eux, n’étaient pas du tout d’accord. Résultat des courses : dix chiens de CRS tués. Pôv bêtes ! “Do you know this town/In the south west side of France/Where the Rock’n’roll gigs turn in riot/All the time/I’m talking about Toulouse/The kids have nothin’ to lose” ( Riot In Toulouse, extrait du deuxième album studio Livin’ In The Fast Lane, 1977). En 2011, Little Bob est resté le même. Ce sont les autres qui ont changé. Time to blast, lance-t-il à la face du monde entier. C’est le moment de tout faire péter et de botter le cul à quelques-uns. Il ne sait pas quand ça arrivera ni même si ça arrivera parce que les gens n’ont plus envie de descendre dans la rue. Ils ont trop peur de tout perdre. Mais il a encore envie d’y croire. En attendant le Grand Soir, il règle ses comptes avec les cyniques qui ont eu le malheur de croiser sa route : José Arthur, Bernie Bonvoisin, Dick Rivers, Nagui et même Elliott Murphy. Il s’est engueulé avec eux (Pour quelle raison ? Lisez le livre !) mais il ne leur en veut plus. C’est bien connu, le Taureau voit rouge mais n’est pas rancunier. Le Taureau, c’est son signe astrologique (Bob est né le 10 mai 1945), c’est aussi l’animal qui orne la pochette de son dernier album Time To Blast sorti en 2009, c’est enfin le tatouage qu’il s’est fait faire un jour à Montpellier. Etonnez-vous, après cela, si Little Bob fonce tête première dans la vie, bousculant tous les obstacles. Ne tardez pas à vous procurer cette merveilleuse autobiographie, publiée chez Denoël ! Pour une fois, Bob a pris le temps de s’arrêter et de regarder en arrière pour reconstituer le puzzle de sa vie mais il y manque une pièce indispensable : la vôtre. Car sans son public, Little Bob n’existe pas. Et bientôt il foncera à nouveau sur la route. Rock on ! Jumpin’ Jack D.
jeudi 18 octobre 2012


THE  PRETTY  THINGS







         Entre les Pretty Things et la Fête de la Musique à Marcq-en-Baroeul, c’est une longue histoire d’amour. La première fois, c’était en 1989 : un petit podium avait été installé sur le parking du magasin Match. Ils étaient de retour cette année, à l’Hippodrome. Quelques minutes avant de monter sur scène, les deux piliers du groupe, Phil May et Dick Taylor, m’ont confié leurs projets immédiats : un album en édition limitée qui est déjà enregistré et qui sortira à la fin de l’été, ainsi qu’une nouvelle tournée en mars 2012. Et, qu’ils en soient remerciés, ils n’ont pas manqué d’adresser un salut amical au 97 rue du rock.



RAY  DAVIES
D



      Terrassé par l’annonce de l’annulation du concert des Damned au Trabendo le 28 octobre dernier (Dave Vanian avait mal au dos et était dans l’incapacité de jouer), j’avais bien besoin de me « reKinkuer » ! Mais Ray Davies n’allait-il pas, lui aussi, s’amuser à me faire faux bond ? Son concert, prévu le 19 octobre à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles, avait été annulé « pour cause d’enregistrement ». Il était rentré en studio pour mettre la touche finale à son dernier album, baptisé See My Friends, où il revisite le répertoire des Kinks en compagnie d’une belle brochette d’invités…dont Bruce Springsteen, Jon Bon Jovi, Metallica et Arno !


LADIES  & GENTLEMEN … THE  ROLLING  STONES

      Il n’y aura pas, cette fois, de bataille des chiffres entre la police et les syndicats. Nous nous sommes comptés. Nous étions 36.

Comment transformer un évènement très attendu en un fiasco

      Le 7 octobre dernier, Ladies & Gentlemen était projeté dans une trentaine de salles à travers toute la France, avant sa sortie en DVD. Ce film est issu de la tournée américaine des Stones en 1972. Il fut présenté au Ziegfeld Theatre de New York le 15 avril 1974 et ne fut ensuite diffusé que dans quelques cinémas aux USA. Il n’avait jamais été distribué en Europe. Grâce au regretté Freddy Hausser, qui nous a quittés il y a deux ans, et son émission de rock Juke Box sur Antenne 2, on avait pu en découvrir un extrait (le titre Happy) en 1976. En février 2001, quelques rares privilégiés avaient eu droit à une projection du film à la Cité de la Musique de Paris, suivie d’une rencontre avec l’ami Bill Wyman. Mais c’est tout. La soirée du 7 octobre s’annonçait donc comme un évènement. Deux salles avaient été sélectionnées dans la région Nord-Pas-de-Calais : Le Majestic à Douai et Cinéville Nord à Hénin Beaumont. Va pour Douai. Première déception : le cinéma se trouve en périphérie de la ville. L’endroit est désert. La caissière, qui n’a pas l’air très au courant, me demande si c’est pour l’avant-première et me propose un ticket à 5.50 € alors que le prospectus indique 10 € et les affichettes, parcimonieusement collées à l’entrée, 12 € !? Arrivé une bonne heure à l’avance, je me mets en quête d’un peu de chaleur humaine et trouve refuge dans La Boîte à Pizza située de l’autre côté du carrefour (Je vous recommande la pizza merguez sauce barbecue). Retour au cinéma : l’endroit est toujours aussi désert. Un peu surpris, je me dirige vers la salle. Là où je m’attendais à un parterre de journalistes et rock critics, je me trouve en face d’une poignée de spectateurs disséminés sur des fauteuils rouge et mauve au demeurant fort confortables. Quand, enfin, l’écran s’alluma, nous étions 36 et encore, j’inclus dans le nombre l’ouvreur, fan des Stones, qui, lui, au moins, avait été informé ! Alors, il va bien falloir, un jour, se poser la question. La décentralisation, c’est bien (on aurait pu prévoir une séance à Lille) mais à condition de s’en donner les moyens. Si on ne fait pas de publicité, les gens ne viennent pas. C’est aussi simple que ça. Quand CielEcran, à qui l’on a confié l’opération du 7 octobre, ne daigne pas répondre aux demandes d’information par e-mail ou téléphone et continue d’afficher sur son site, en guise de communiqué de presse : « Le fichier est endommagé et n’a pas pu être réparé », on ne peut guère s’en étonner.


KILLING  JOKE

      Quel guitariste n’a pas, au début de son apprentissage, sué sang et eau pour tenter de reproduire, avec plus ou moins de bonheur, le riff d’intro de Come As You Are, troisième plage du disque culte de Nirvana, Nevermind (1991) ? Le rapport avec Killing Joke ? Ecoutez Eighties, le titre figurant sur leur album Night Time, sorti six ans plus tôt. Allez, je suis sûr que vous le reconnaissez, ce riff. C’est le même ! Disons que Killing Joke se l’est fait « emprunter » par Nirvana. Une action en justice sera même intentée contre le groupe grunge de Seattle mais, décence oblige, les poursuites seront abandonnées à la mort de Kurt Cobain. Comme quoi les rockers ne sont pas tous des brutes immondes. D’ailleurs, les relations entre les deux groupes n’en seront pas pour autant entamées puisque Dave Grohl  participera, comme batteur, à l’album Killing Joke de 2003. Cela dit, Killing Joke aurait eu mauvaise grâce à trop la ramener. En effet, on retrouve le même riff (Allez vérifier si vous ne me croyez pas !) sur Life Goes On, un titre des Damned tiré de leur album Strawberries (1982). Si l’on se base sur la chronologie, ce sont eux les vrais créateurs. Je vous reparlerai sans doute prochainement des Damned dans Heart Of Stone. Ils sont de retour. Au grand complet- ou presque -avec Dave Vanian et Captain Sensible. Mais en attendant, sachez que Killing Joke, lui aussi, tourne à nouveau dans sa formation d’origine. Il sera au Bataclan de Paris le 27 septembre (avec les Young Gods), à l’Ancienne Belgique de Bruxelles le 28 et à l’Aéronef de Lille le 30. Il nous présentera, à cette occasion, les titres de son nouvel album tant attendu, qui ne se nommera finalement pas Feast Of Fools (Le Banquet De Dupes) mais Absolute Dissent (Dissidence Absolue).
jeudi 4 octobre 2012


DECOUVERTE

Avec Johnny DOWD
Les serpents ne sont pas là de se rendormir


Vous aimez Tom Waits et Nick Cave ? Au risque de paraître iconoclaste et d’en choquer plus d’un, moi, j’aime pô ! En revanche, j’adore Captain Beefheart, Zappa, Arno et, je regrette juste de ne pas l’avoir découvert plus tôt… Johnny Dowd. Johnny Dowd ? « Qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui-là ?/Complètement toqué, ce mec-là, complètement gaga/Il a un drôle d’accent, ce gars-là/L’a une drôle de voix ». Ben justement, c’est ce que j’aime chez lui. Ce côté bastringue et frappadingue. Les univers de Tom Waits et Nick Cave sont glauques, un point c’est tout ! A chaque sortie d’album, je m’attends d’ailleurs à ce que nous soit, enfin, fournie en bonus la corde avec laquelle se pendre. Celui de Johnny Dowd est « glauque and roll ». Au bout de la nuit, le voyage ne manque ni de folie ni de drôlerie. Humour, ironie, dérision et poésie y ont leur place. Avis aux amateurs de roman noir. Johnny Dowd est né le 29 mars 1948 à Fort Worth, près de Dallas. Il a grandi entre le Texas, le Tennessee et l’Oklahoma avant de s’installer dans l’Etat de New York pour y monter, avec son ami Dave Hinkle, une entreprise de déménagement, la Zolar Moving Co. et aussi un groupe, les Jokers. Le ton était déjà donné : les Jokers, les Plaisantins. Le groupe dure 5 ans, de 1981 à 1986. Johnny et son comparse formeront un autre groupe, Neon Baptist, qui durera également 5 ans, de 1988 à 1993. Tiens, des adeptes du quinquennat ! Dowd approche de la cinquantaine lorsqu’il se décide à enregistrer son premier album solo, Wrong Side Of Memphis. Pour un coup d’essai, c’est un véritable coup de maître. Il sera suivi d’autres albums aux titres évocateurs, comme Cemetery Shoes, Les Chaussures De Cimetière (2004), Chainsaw Of Life, La Tronçonneuse de La Vie (2006) ou A Drunkard’s Masterpiece, Le Chef-d’œuvre D’Un Ivrogne (2008). A l’origine de ces parutions, l’excellent label Munich Records, qui vient de frapper encore très fort en nous livrant la dernière pépite de Johnny Dowd, Wake Up The Snakes, Réveillez Les Serpents, à découvrir de toute urgence ! Selon les propres dires de l’auteur (on n’est jamais si bien servi que par soi-même), « Wake Up The Snakes est, je le jure, le meilleur, le plus fun, des albums que j’ai enregistrés jusqu’à maintenant ». Il ajoute : « Mon nouvel album nous transporte à l’époque où la soul music, le garage rock, les bass fuzz, l’orgue Farfisa, et les refrains à la « My Baby Left Me » s’entrechoquaient ». Et de rendre hommage au groupe qui l’accompagne : Matt Saccuccimorano à la batterie, Kim Sherwood-Caso au chant et à la guitare, Michael Stark aux claviers (les puristes reconnaîtront le Vox Continental qui rivalisa avec le Farfisa durant les années 60) et Willie B., alias Brian Wilson (rien à voir avec les Beach Boys) à la guitare baryton. Il faut croire que Johnny Dowd sait cultiver l’amitié puisque Kim Sherwood faisait déjà partie de Neon Baptist, Willie B. jouait de la batterie sur Chainsaw Of Life et l’ingénieur du son, responsable de l’enregistrement de Wake Up The Snakes, n’est autre que Dave Hinkle, copropriétaire avec Johnny du studio The Shop à Willseyville dans l’Etat de New York. Vous aimeriez, je suppose -c’est le but de cet article- vous faire une opinion personnelle sur Johnny Dowd. Si vous espériez le voir en live, c’est râpé ! Il était de passage à Nancy le 24 mai dernier, au Festival Musique Action pour un concert unique en France. Si vous comptez l’écouter à la radio, ne vous bercez pas d’illusions, elle est encore à inventer, la station qui diffusera Lies, un morceau de 6 :34. Alors, je ne vois plus qu’une solution : achetez le dernier album de Johnny Dowd ! Vous ferez une bonne action mais je doute que ce soit déductible de vos impôts. Vous y trouverez en tout cas votre titre fétiche, celui qui vous trottera dans la tête toute la journée et vous incitera, malgré ou à cause de la dure réalité, à sourire aux gens et à la vie. J’ai trouvé le mien : Me And Mary Lou.

                                                    Jumpin’ Jack D.